
L’actuel régime aurait-il, volontairement ou non, offert sur un plateau d’argent le chroniqueur Badara Gadiaga à Karim Wade ? Tout porte à le croire, selon L’As. Le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade aurait profité de l’arrestation du journaliste – connu pour ses positions tranchées et critiques – pour passer à l’offensive et tenter de rallier à sa cause ce proche du leader de Rewmi, dont le père fut par ailleurs membre fondateur du Parti Démocratique Sénégalais (PDS).
En politique, les circonstances peuvent très vite changer la donne, et chaque faux pas peut bénéficier à la partie adverse. C’est ce qui semble être en train de se produire dans ce dossier sensible. D’après les informations relayées par le journal L’As, Karim Wade serait à pied d’œuvre pour capitaliser sur l’arrestation de Badara Gadiaga, en multipliant les gestes de soutien à son égard.
Toujours selon L’As, l’ancien ministre a dépêché des émissaires auprès du chroniqueur actuellement incarcéré à la prison de Rebeuss, avec pour objectif de le convaincre de rejoindre ses rangs dans la perspective de l’élection présidentielle à venir. Karim Wade n’aurait pas hésité à faire appel à Me Seydou Diagne – avocat réputé – pour intégrer le pool de défense de Badara Gadiaga. Une démarche qui, selon plusieurs analystes, dépasse le simple élan humanitaire : elle pourrait bien marquer un tournant politique majeur.
Les liens entre les deux hommes ne datent pas d’hier. Au-delà de leur commune origine géographique – Kébémer – les relations entre les familles Wade et Gadiaga remontent à plusieurs décennies. Le père de Badara Gadiaga, feu Bathie Gadiaga, fut l’un des premiers compagnons de route d’Abdoulaye Wade, militant de la première heure du PDS. La branche maternelle de la famille Gadiaga est, elle aussi, restée profondément attachée à l’idéologie libérale.
Dans ce contexte, l’initiative de Karim Wade n’a rien d’anodin. Elle réactive un canal politique que beaucoup croyaient définitivement refermé. L’hypothèse d’un rapprochement stratégique prend ainsi de l’épaisseur. Si elle se concrétise, elle pourrait redonner au PDS un ancrage important dans l’espace médiatique et populaire, notamment auprès d’une jeunesse qui suit de près les prises de position du célèbre chroniqueur.
Badara Gadiaga, en effet, jouit d’une forte influence auprès de l’opinion publique, particulièrement sur les réseaux sociaux et dans les émissions de débat. En s’alliant avec lui, Karim Wade pourrait bénéficier d’un relais précieux pour la relance de sa machine politique, toujours en quête d’un socle électoral solide pour préparer son retour au Sénégal et, potentiellement, à la présidentielle de 2029.
En contrepartie, Badara Gadiaga trouverait dans cette alliance un appui juridique et politique de poids. Le soutien de Karim Wade pourrait lui offrir une issue favorable dans le bras de fer judiciaire en cours, et lui permettre de rebondir dans une dynamique politique nationale.
À noter que, peu après l’arrestation de Badara Gadiaga, le PDS a publié un communiqué officiel pour dénoncer ce qu’il qualifie d’atteinte grave à la liberté d’expression. Une réaction rare, comme l’a souligné le journal L’As, car le parti libéral s’était jusque-là montré discret sur les cas de journalistes poursuivis ou emprisonnés. Cette fois, le PDS a tenu à réaffirmer son engagement indéfectible pour la défense des libertés publiques, promettant de soutenir toutes les initiatives juridiques et politiques visant à garantir à Badara Gadiaga un procès équitable et une remise en liberté rapide.
La manœuvre de Karim Wade, si elle est confirmée, illustre combien la scène politique sénégalaise demeure mouvante, et combien chaque épisode judiciaire peut cacher une lecture stratégique. Reste à savoir si Badara Gadiaga, connu pour son indépendance de ton, acceptera de troquer sa liberté éditoriale contre un ticket politique.
Avec L’AS