
Dans un élan vers plus de transparence et de redevabilité, le conseil des ministres adopte un projet de loi encadrant les lanceurs d’alerte. Cette avancée soulève une question essentielle : doit-on prioriser la protection juridique des citoyens dénonciateurs ou renforcer les mécanismes internes de contrôle administratif ?
Pendant des années, la lutte contre les abus s’est articulée autour de dispositifs institutionnels : audits, gestion des risques, organes de contrôle. Ces outils ont structuré la prévention, mais leur efficacité reste entravée par les conflits d’intérêts, le manque d’indépendance ou l’inertie bureaucratique.
Le projet de loi sénégalais sur les lanceurs d’alerte est un levier démocratique qui vient combler un vide. La loi devra établir un cadre juridique solide pour protéger les citoyens qui, animés par une intention sincère, signalent des abus ou des faits de corruption. En garantissant la confidentialité de leur identité et en interdisant toute forme de représailles, cette initiative vise à créer un climat de confiance propice à la transparence. Elle doit également encourager l’engagement citoyen dans la lutte contre l’impunité, que ce soit au sein des institutions publiques ou du secteur privé, en reconnaissant le rôle essentiel des lanceurs d’alerte dans le bon fonctionnement démocratique.
Ce dispositif est particulièrement pertinent dans les contextes où les mécanismes internes échouent ou sont contournés. Il agit comme un dernier rempart, permettant à des individus de signaler ce que les systèmes n’ont pas détecté ou voulu traiter.
Mais loin d’opposer les deux approches, nous plaidons pour leur complémentarité. « Le signalement citoyen n’a de sens que s’il s’inscrit dans un environnement où les contrôles sont crédibles, et inversement »
Opposer la démarche des lanceurs d’alerte à celle des dispositifs de contrôle revient à nier leur interdépendance. Tandis que les mécanismes opérationnels visent à prévenir, la loi sur les lanceurs d’alerte intervient là où la prévention échoue. Elle renforce la résilience du système, comble les angles morts, et assure une vigilance collective.
La meilleure gouvernance n’est pas celle qui empêche le scandale, mais celle qui permet de le révéler sans crainte.
Il faudra bâtir une architecture administrative où la prévention structurelle et la vigilance citoyenne se renforcent mutuellement. Pour que ce projet de loi porte pleinement ses fruits, il doit s’inscrire dans une réforme plus large de l’administration :
– Créer des points de contact indépendants pour les signalements.
– Former les agents à la culture du droit d’alerte.
– Associer les corps de contrôle à une veille citoyenne encadrée.
– Numériser les processus de signalement pour garantir l’anonymat et la traçabilité.
Le défi n’est pas de choisir entre contrôle et signalement, mais de les articuler en un modèle où l’administration n’est plus un château fort, mais une maison vitrée : solide, mais transparente.
* Par Papa Medoune Sow
Coordinateur des Cadres du Grand Parti